L'année dernière nous avions publié un édito très remarqué sur l'incursion d'anglicismes dans le français courant. Ca ne s'arrange pas.

Ce sont surtout les amoureux de la langue de Shakespeare qui s'en sentent le plus frustrés... lorsqu'on aime les deux langues, les intrusions multiples dans l'une ou dans l'autre sont souvent malheureuses.
En cette année horrible où des régimes interdisent la vente de livres vous aurez remarqué, vous les lecteurs de l'Excès, le Français s'en est pris un coup.

Le Covid.
Quelque part dans l'été, un présentateur de télévision, puis un autre, puis des ministres et autres catégories d'ânes se sont mit à changer en féminin la fièvre de Wuhan. J'ai cru à une blague lorsqu'un confrère a cité une position de l'Académie Française en ce sens.
La règle absolue d'usage d'un mot étranger est le neutre, c'est à dire le masculin. L'OMS choisi de donner un nom de code à cette maladie plutôt qu'un nom d'origine, et elle a construit un acronyme en anglais. Hors, un acronyme est un mot et pas un sigle. Ce n'est pas C.V.D.D.I.2019 (Corona virus disease discovered in 2019) qui serait un sigle mais Covid un mot composé de syllabes, un mot étranger donc.
OMS est un sigle français, on dit "elle" pour le O de Organisation alors qu'elle s'appelle en fait W.H.O. dans le pays où elle siège. Wifi est un acronyme - un mot étranger - "pour Fidélité sans fil" - et une marque, un nom propre, on utilise donc le masculin.
Covid, de plus, n'est pas d'un usage universel puisque les petites agaceries causées par des virus de la famille continuent à s'appeler rhumes et pas Covid (notez le C en majuscule). Il s'agit d'un nom propre et d'un mot étranger.

Alors qu'en est-il de l'Académie Française ? Effectivement, sous forme d'article internet, anonyme, quelqu'un sur ce site affirme qu'user du masculin pour covid 19 relève de l'emploi fautif. Pas moyen d'en connaitre l'auteur, est-ce un académicien, est-ce un rédacteur en charge du site, signez donc, nous ne le saurons jamais et le nom de cette maladie n'entrera pas dans le dictionnaire avant la 10ème édition du dictionnaire à prévoir vers 2030 ou 2040 !

Les majuscule accentuées
Ce n'est pas le premier article contestable de cette rubrique dénommée "dire, ne pas dire" sur le site de l'Académie Française. Sur des bases erronées, le même site affirme qu'il faudrait utiliser des majuscules accentuées en presse écrite et ailleurs. C'est même repris dans Wikipédia. En fait, l'usage de majuscules non ACCENTUEES relève de l'usage de lettres latines. Celles-ci n'ont jamais existé en minuscules et n'ont jamais existé avec accents. On inscrit un titre sur un livre, dans un journal, comme s'il s'agissait d'une stèle gravée au marteau et au burin. Ainsi, sur les couvertures des pièces de Molières publiées en leurs temps, la lettre V est utilisée à la place du U qui existait déjà dans le français de l'époque mais pas en latin. Non, ce n'est pas un palliatif à un problème technique de l'époque, c'est un usage parfaitement codifié.

CLICK AND COLLECT.
L'expression fait rage, on l'entend plusieurs fois par jour et même dans la bouche des ministres français. Ce week-end, lors d'un reportage à paraitre, j'ai pu prendre la mesure du drame ! Une amie commerçante et cultivée, me fit part de sa recherche. Mais qu'est-ce donc ? Est-ce une marque, car il existe un site portant ce nom ?
Ce lundi matin, nous recevons le communiqué de presse d'une bibliothèque municipale fort respectable informant de sa formule "Click and collect" précisant dans les modalités que ça se passe par téléphone, on est dans la dérive absurde.
"Click and collect" est en fait en usage sur les sites de commande en ligne pour la formule "retrait en magasin". Elle veut dire qu'on commande en ligne pour une mise à disposition dans le magasin. Dans presque absolument tous les cas vus ces derniers jours de beaucoup de commerces qui espèrent sauver un peu de chiffre d'affaire, il ne s'agit pas de commande en ligne (click) puisqu'il faut téléphoner.
Bon après, il n'existe pas d'expression magique en français. Passé cette période de fermeture autoritaire, plus aucun magasin de fringues et de bouquins ne repassera des centaines d'heures à photographier et décrire leurs collections à chaque fois qu'elle arrivent. "Ouvert pour retirer les commandes" est la formule que nous retenons pour traduire ces communiqués.

ShopInSud, digitalisation, marketplace la PACA en pleine dérive.
Heuuuuu... Ouuuuu... ça va à Marseille ? Recherchant quelles peuvent bien être les aides aux entreprises par la Région, je me suis retrouvé sur une curieuse initiative. Une aide à se payer un site internet. Toute la panoplie du nouveau charabia français des affaires y est étalé.

Digitalisation, qui doit vouloir dire mettre des doigts dans sa marchandise, voudrait imposer le transfert de son activité dans la vraie vie, dans les vrais centre-villes, dans les vrais théâtres, de la vraie marchandise qu'on touche et apprécie avant d'acheter... vers un site "shopinsud.io". IO (Indian Ocean) étant le nom de domaine des territoires britanniques de l'Océan Indien. C'est en effet dans l'hémisphère sud, oui, c'est bien au sud, ShopInSud...

Marketplace, qui peut vouloir dire place du marché et qui surtout s'entend en anglais comme commerce réel, et appuyé d'un "via un chat interactif". Même si on préfère tout de même un chien pour garder son magasin. Toujours est-il que le chat est interactif, ce qui correspond à un grand progrès dans la race féline plutôt connue pour ne pas répondre à son nom.

Soupirons... le français était jusqu'à aujourd'hui une des rare langues à avoir su donner des noms aux ordinateurs, à l'informatique, aux baladeurs. Cependant sur le site de notre région "...solutions Sud Startups pour .../... doper le business .../... des challenges d'innovation ", "dispositif My digital coach" (entraîneur avec des doigts), le New Provensaaal fait fort.

A suivre et à compléter, nous n'en sommes sûrement qu'au début.


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